April 29, 2019
Une semaine d’action et de plaidoyer par les survivantes lors de la commission sur le Statut des Femmes
Depuis sa création, la Fondation Mukwege a décidé de mettre les survivantes de violences sexuelles au cœur de son action : leurs besoins et leurs demandes politiques sous-tendent notre plaidoyer. Depuis 2017, nous avons facilité et soutenu trois réunions de survivantes du monde entier. Ensemble, les survivantes ont décidé de s’organiser et de s’appeler SEMA – le Réseau mondial des victimes et survivantes pour mettre fin aux violences sexuelles liées aux conflits, représentant aujourd’hui plus de 20 pays différents de tous les continents. SEMA a choisi d’agir autour de 4 axes : maintenir une plateforme de dialogue sécurisée pour les survivantes, sensibiliser à la réalité du viol utilisé comme arme de guerre, présenter leurs histoires de manière à assurer une mémoire collective, et plaider pour l’abolition des violences sexuelles en temps de conflits.
C’est dans le cadre de ce travail conjoint avec SEMA que la Fondation Mukwege a décidé d’organiser un événement officiel lors de la 63ème session de la Commission sur le Statut des femmes (CSW63) des Nations Unies. Organisé chaque année, cet événement réunit tous les Etats membres de l’ONU pour adopter des conclusions sur les droits des femmes. En mars 2019, alors que la thématique centrale de CSW63 portait sur les services publics et les infrastructures durables pour l’égalité femmes-hommes, il a été évident pour la Fondation Mukwege que la prise en charge holistique devait être présentée à cette occasion, en présence des survivantes elles-mêmes pour porter leur voix et leurs revendications au plus haut niveau.
La prise en charge holistique doit faire partie des services publics offerts par les Etats, non seulement parce que c’est une obligation internationale, reprise dans la résolution 2106 du Conseil de Sécurité, mais aussi parce que ce modèle contribue directement à l’égalité femmes-hommes, l’objectif fondamental de la Commission sur le Statut des femmes (CSW). La Fondation Mukwege avait partagé en octobre dernier une déclaration écrite sur ce modèle, pour contribuer aux discussions de CSW (en anglais).
Le modèle de prise en charge holistique a été initié par le Dr Mukwege à Bukavu, en République Démocratique du Congo (RDC). A l’hôpital de Panzi, une assistante psychosociale est assignée à chaque survivante de viol et élabore avec elle un parcours de guérison qui inclue des soins médicaux et psychologiques, un accompagnement juridique et un soutien socio-économique. Ce modèle est désormais devenu une référence de bonne pratique à la fois pour les services de santé et humanitaires. La Fondation Mukwege travaille à le mettre en place dans d’autres pays, et nous soutenons un programme d’échange en Guinée, et espérons pouvoir en développer aussi en Centrafrique et en Iraq.
La Fondation Mukwege a obtenu le soutien de la Belgique, la France, le Sénégal et la Suisse pour organiser ensemble l’événement “Ecoutez les survivantes des violences sexuelles liées aux conflits : la prise en charge holistique comme droit humain universel” qui a eu lieu le mardi 12 mars en salle Trusteeship Chamber, aux Nations Unies. Vous pouvez voir le flyer/programme ici en EN et en FR.
Un événement officiel fort et percutant
Devant une salle comble, et après un message vidéo du Dr. Mukwege, les survivantes ont pu expliquer l’importance de cette prise en charge, au travers de témoignages forts et d’exemples concrets de l’impact positif du modèle, ainsi que l’impact négatif vécu par les victimes quand ce modèle n’existe pas.
Tatiana Mukanire, coordinatrice du Mouvement des survivantes de viols et violences sexuelles en RDC :
« Les 4 piliers de la prise en charge holistique n’effaceront jamais ce que nous avons pu vivre, ni les conséquences liées à la cruauté humaine qu’est le viol. Mais ils viennent adoucir notre souffrance, et nous accompagner dans notre guérison. En tant que survivante des viols, je peux vous dire que cette prise en charge répond aux besoins primordiaux des victimes. J’en ai bénéficié moi-même, et je souhaite que toutes les survivantes, dans le monde, y ait accès. C’est un droit humain universel, il est temps qu’il soit une réalité.»
Vasfije Krasniqi Goodman, survivante du Kosovo :
“Survivors of war around the world deserve to have full care of their needs to make themselves better as a person for themselves, and to help others around them. Rape does not affect everyone directly, but indirectly it does. (…)
I have many other cases where most of the survivors deal with mental illness and they can’t afford the proper treatments. I too suffer from PTSD and could not imagine not being able to get treatments from a professional. The pain we carry with us is something no one should go through alone.”
Après une présentation des caractéristiques du modèle de Panzi par Pierrette Pape, Responsable du plaidoyer à la Fondation Mukwege, les Ministres ont pu partager leurs réactions et s’engager pour la mise en œuvre de la prise en charge holistique, dans leur pays, et dans les discussions internationales : Rudy Demotte, Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en charge de l’Egalité des chances et des Droits des femmes, Marlène Schiappa, Ministre des Droits des femmes, France, Salimata Diop Dieng, Ministre de la Femme, de la Famille et du Genre, Sénégal, Sophie Durrer, Directrice du bureau fédéral pour l’égalité entre les femmes et les hommes, Suisse, Asa Régner, Directrice adjointe d’ONU Femmes.
Depuis la salle, Lord Ahmad of Wimbledon, Représentant spécial du Premier Ministre britannique pour les violences sexuelles en temps de conflit, ainsi que Elizabeth Bohart, de la Nadia’s Initiative, ont exprimé leur soutien au travail de la Fondation Mukwege et aux survivantes.
Vous pouvez lire le Manuel sur la prise en charge holistique pour les survivant.es de violence sexuelle liée aux conflits en français et en anglais.
Une semaine d’action positive pour les survivantes
Lors des 5 jours passés à New York, la délégation SEMA/Fondation Mukwege a été active chaque jour, pour rencontrer des personnalités, des missions, des associations…
Nous avons rencontré la Comtesse de Wessex, la Directrice adjointe d’ONU Femmes Asa Régner et son équipe, la Directrice d’ONU Femmes au Congo Awa Ndiaye Seck, les cofondatrices des Enfants de Panzi et d’Ailleurs, une membre active de Soroptimist…
Le courage et la persévérance de Tatiana et Vasfije ont été reconnues lors d’un événement organisé par Nordic Women Mediators – Iceland, grâce aux interventions de l’Ambassadrice du Kosovo aux Etats-Unis et une journaliste congolaise engagée, qui ont toutes les deux voulu rendre hommage aux deux survivantes présentes dans la salle.
Lors de la réception organisée par la délégation de l’Union européenne à New York, Vasfije a pu s’entretenir avec Federica Mogherini, Vice-Présidente de la Commission européenne, pour lui demander de ne pas oublier les survivantes de viol lors des discussions de paix entre le Kosovo et la Serbie.
Tatiana est intervenue lors de l’événement organisé par la Coordination française pour le Lobby européen des femmes, le mercredi 13 mars, sur la thématique « Les femmes en situation de vulnérabilité, et accès aux services publics et à la protection sociale ».
Elle est également intervenue à la fin de la projection d’un extrait de WOMAN, lors d’une soirée organisée par la France, l’Afrique du Sud et ONU Femmes, pour parler de la résilience des survivantes et leur force. Vasfije et Tatiana y ont rencontré Norma Bastidas, survivante d’exploitation sexuelle, qu’elles ont revue à Luxembourg fin mars.
Enfin, toutes les deux ont été interviewées par l’équipe média de l’ONU, pour une vidéo à venir sur le viol comme arme de guerre.
Une semaine d’action riche, efficace, et qui a permis de visibiliser l’action collective des survivantes, au travers de la page facebook de SEMA et de celle de la Fondation Mukwege.
Un très grand merci à la Fédération Wallonie-Bruxelles pour avoir soutenu la participation de Tatiana à cette CSW, et à la Postcode Loterij pour le soutien général aux actions de plaidoyer de SEMA et la Fondation Mukwege.
#EcoutezLesSurvivantes #HolisticCare #ListenToSurvivors